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Le Renégat courtois
Le vieil homme s’étendit dans l’apesanteur et arrima fermement ses deux pieds contre une paroi. Revêtu de son armure d’entraînement, il sortit son sabre de commandement de son fourreau et le coinça de biais, formant judicieusement un triangle avec le mur afin que le vide se fasse sous l’objet.
Une fois le tout fixé en place, Shinnosuke frappa sèchement la lame de l’épée de sa main gantelée du métal vivant des ganygrades. Le sabre se brisa, alors que la partie avec la garde fila, tournoyante, se planter dans un mur tout proche.
- « Voilà. Je suis un rōnin à présent. Un renégat. Et vous, vous êtes libres de partir. Je vous ai fait garder une navette. »
- « Non, Sensei. Nous vous suivrons. »
- « Hum ! » fit le vieil homme. « Rōnin n’est pas honorable. Et pourtant, c’est aussi la voie du samouraï. Tomber sept fois et se relever huit. »

Le Doyen Généralissime
Tout au bout de l’immense table de marbre d’un cachet douteux était vautré un homme maussade dans un fauteuil trop large. Plutôt petit, dégarni et ayant récemment pris du bide, le Doyen généralissime avait une expérience militaire discutable : issu des services secrets les plus roublards et vicelards de la planète, il n’avait jamais connu ni la tranchée ni le feu de première ligne. Il excellait davantage dans le coup fourré, la manipulation et l’assassinat que dans l’émulation des troupes.
La guerre déclenchée par ces satanées ganymédiennes avait ravagé sa vie sociale, le privant de son activité favorite : parader torse nu dans toute une kyrielle de mises en scène navrantes qui rappelaient les dictateurs d’un autre siècle. Fini les chevauchées vivifiantes dans le froid glacial des montagnes, terminé les séances de tir «au pigeon» - des chasses à l’homme - dans les zones tribales et adieu les combats singuliers avec des ours (sans doute préalablement drogués).
Seul dans cette immense salle à la mesure de son estime personnelle, le Doyen s’assit dans la position qu’il affectionnait le plus. Les cuisses largement écartées, le pantalon manifestement trop étroit au niveau de l’entrejambe par rapport à toute la virilité qu’il devait contenir, le Doyen se tenait sur son siège comme sur un ring. Et tant pis si la position peu élégante révélait qu’au fond, tout puissant qu’il était, il devait tout de même mettre des chaussettes un peu ridicules.

Le LOUNGE EN PLEIN CIEL
C’était un lieu incroyable à plus d’un titre, niché à 700 mètres au-dessus du sol.
On accédait au sommet de la Hosseal Tower que par un seul ascenseur, qui, après usage, se rangeait immédiatement sous le plancher afin de ne pas gâcher l’ordonnancement épuré de la pièce.
Celle-ci contenait peu de meubles mais ils étaient très luxueux : deux fauteuils sobrement élégants ainsi qu’une ingénieuse table basse tous services, du bar au passe-plat en passant par la concoction de cocktails psychotropes.
Afin de laisser la vue libre sur tout le ciel et l’horizon, les murs du dernier étage de la tour Hosseal étaient transparents et un dôme diaphane couvrait l’ensemble de la salle telle une cloche.
Des architectes surpayés avaient conçu à la demande expresse d’Hosseal, premier du nom, un salon unique : on y avait l’impression d’y converser en plein ciel.

Le Calice du bouclier de vénus
L’escadrille des Mères fonçait à présent à toute allure au-dessus de l’arbre spatial, qui s’étendait à perte de vue. Immense, d’une taille comparable à la Terre, la superstructure était en réalité une centrale solaire géante. Un sentiment ambivalent saisissait ces femmes qui le survolaient, les emplissant d’un mélange de haine viscérale et de fascination.
Cette superstructure qui n’était guère qu’un lointain point dans le ciel de Ganymède avait été tant honni, car il leur avait à chacune enlevé un parent au Palimpseste. Mais, à présent qu’elles le contemplaient, les Mères était subjuguées de toute la beauté de cette complexe machine autorépliquante.
Alors que défilaient sous elles les reflets sans cesse renouvelés de ce bijou maudit, la fleur leur apparut. Leur objectif se dressait là, enfin, ce calice qui constituait le centre névralgique du Bouclier : il se gorgeait nonchalamment de lumière. Les hommes de la Terre avaient confisqué le Soleil, pour mieux le dévoyer en un instrument de mort.
Aspera secoua la tête, comme pour se libérer de l’attraction irrésistible de ce labyrinthe aux motifs aussi doux qu’insondables. L’apparente beauté de ce calice mortel ne la détournerait pas de son vœu : venger sa mère que ce Bouclier lui enleva jadis sur sa lune natale.

Le RITUEL DE Sélection royale
La Reine éternelle s’avançait pour présider au rituel de sélection royale.
Pour l’occasion, elle s’était vêtue seulement d’une couche du métal vivant des ganygrades, qui ne dissimulait pas grand-chose. Cette seconde peau, savamment sculptée par les essaims d’extrémophiles, faisait briller son corps sans âge.
Souveraine sans couronne, la Louve avait soigneusement enrobé d’argent ses cheveux grisonnants, telle une gorgone se pavanant dans son antre. Se trouvant un peu terne, elle s’était accordée une petite fantaisie : elle avait rehaussé la peinture métallique fardant son visage d’une subtile touche d’hémoglobine humaine.
La Reine sauvage s’avançait ainsi parmi la foule soumise et désespérée de son funeste sort.
Déesse colérique, la Louve éternelle présidait à la vie et à la mort, comme elle l’aimait tant.
La silhouette inquiétante, grande et fine, se mouvait en silence, ses étranges yeux oranges passant goulûment d’une victime à l’autre.

Le Soleil se lève à nouveau sur le Palimpseste.
« Le Soleil se lève à nouveau sur le Palimpseste.
L’ancien cratère d’Anat, fleuron de notre ancienne colonie, est devenu un sanctuaire dédié à la mémoire de celles et ceux qui y tombèrent. Les épaves et les cadavres y parsèment encore la glace qui nous a figés en pleine victoire.
Comme un parchemin réutilisé, le palimpseste d’Anat est un nouveau drame qui en recouvre un précédent. Mais ce palimpseste-là, il n’est pas naturel : il est d’origine humaine.
Comme Ganymède fait face perpétuellement à Jupiter, nous sommes toutes comme notre lune : nous confrontons les géantes.
Alors que l’aube darde ses rayons sur Ganymède, moi, Astéria, j’en retrouverai son précieux cœur qui bat dans un écrin d’ombre sous la glace. » - Astéria Holdfény

Jougs et libérations
« Nous sommes toutes des Mères: dispenser la mort doit rester pour nous aussi douloureux que donner la vie.
Nous sommes des guerrières, pas des meurtrières.
Nous ne recherchons pas la victoire, nous ne fuyons pas dans la défaite.
Nous ne vivons que pour le combat. » - Aspera Holdfény

Une Mère ne choisit pas ses combats !
Pour ces hommes à travers les âges, à travers les continents, puis parmi les planètes, nous étions leur oppression favorite, l'infamie universelle qui les rassemblait.
Mais à présent qu’une nouvelle Ganymède se lève, nous leur répondons.
On nous a trop longtemps confisqué notre droit à l’autodéfense, nous le reprenons. Nous réclamons notre part de la violence.
À toutes ces femmes opprimées, battues avant d’être massacrées, nous dédions nos bras.
C’est à elles que nous levons nos poings.

L’ordre du grand levant
Vivre plusieurs siècles : ce ne doit pas être donné.
Pour y prétendre, l’argent est un bon début. Car l’argent, c’est toujours du temps.
Nous, les Doyens Augmentés, sommes tout comme notre ordre : séculaires et pourtant chacun unique. Nous ne constituons pas une nouvelle espèce, non, nous sommes l’imago de l’humanité : son état sublime et révélé. Mais toutes les chenilles ne deviennent pas des papillons…
Notre Ordre, celui du Grand Levant, a façonné la société depuis des siècles. C’est un travail de longue haleine, et une vie humaine n’y suffisait pas. Les technologies transhumanistes nous ont permis de repousser la mort, donnant aux maçons que nous sommes l’infime morceau d’éternité nécessaire à faire avancer notre Œuvre.
Nous brillons sur le monde : le Grand Levant lui donne son orientation.

L’Allée des Grandes au Palimpseste d’Anat, sur la lune jovienne de Ganymède.
Ce sinistre cimetière d’épaves est devenu un mémorial célébrant les défenseuses de la première Ganymède et leurs compagnons.
Celleux qui furent fauchées en pleine gloire, tombant sous les feux interplanétaires du Bouclier de Vénus, y reposent toujours, dans cette éternité glacée.